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Pérou

Bolivie

Pérou - Bolivie  

( juin 2009 )

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Sur la piste ... vers Puno

Cette journée devait être consacrée à la visite des ruines de Pukara en chemin et la découverte du Lac Titcaca. 

Mais le mouvement de grève des autochto-nes en a décidé autrement : la route étant impraticable, le voyage vers Puno, au bord du Titicaca, s'est fait par la piste.

Un voyage éprouvant, 16 heures de bus (!), plein d'embûches et d'imprévus ... mais qui nous a mené dans des coins reculés de l'altiplano à travers  des paysages sublimes.

Et qui finalement, malgré la fatigue, restera un grand souvenir.

 

​Juan Carlos nous avait prévenus : le réveil sonne à 4 heures du matin. Petit déjeuner dans un silence religieux (dans un réfectoire glacial...), et en route. Nous roulons en convoi, précédés par le bus d'italiens et suivis par le minibus transportant nos bagages. Il fait nuit noire. Les cent premiers kilomètres se font sur la route. Les pierres, de plus en plus fréquentes et surtout de plus en plus grosses, obligent les chauffeurs à redoubler de prudence et à slalomer sur la route ... et même parfois à manoeuvrer pour passer entre les obstacles.  Heureusement, il n'y a personne sur la route.

​Le jour se lève lorsque nous arrivons à la bifurcation où nous devons quitter la route pour la piste. Le bus d'italiens s'arrête ... deux ou trois camionnettes locales, venant d'en face, sont également à l'arrêt. Que pasa ? Dans le bus, on se réveille, on jette un coup d'oeil par la fenêtre, les plus courageux descendent ... et là, stupéfaction : le pont est détruit !!!

Les grévistes ont brûlé les traverses en bois ! Au milieu du pont, il n'y a plus qu'un grand trou, on voit juste encore les rails de chemin de fer servant à soutenir les traverses ... et en-dessous, la rivière.

Là tout de suite, on ne voit pas bien notre bus passer là-dessus. Et les chauffeurs des camionnettes nous le confirment : pas moyen d'emprun-ter la route normale, les barrages de pierres la rendent impraticable. 

l'état du pont est peu engageant !

​Tout le monde discute, on cherche une solution ... ce n'est pas l'optimisme qui règne ! Le chauffeur de notre minibus à bagages croit se souvenir qu'en chemin, il a vu des maisons au bord de la route, avec des planches pour y accéder par dessus le fossé les séparant de la route.  Banco ! Le minibus fait demi-tour à la recherche des planches. Au bout d'un quart d'heure, il revient. Appels de phares, le chauffeur sourit et lève le pouce. Un vent d'optimisme se lève ... Effectivement, ils reviennent avec des planches qu'ils ont achetées (ou piquées ?) aux paysans ...  et comment ils vont accéder à leur maison ?

Bon, quand on voit la taille des planches, le doute revient : 10 cm de large, et 2 cm d'épaisseur ... j'hésiterais à m'en servir pour un échafaudage, alors y faire passer un autobus ??? Entretemps, en allant satisfaire un besoin naturel, un passager d'une des camion-nettes a retrouvé des traverses calcinées derrière les fourrés ...

Avec tout ce matériel, tout le monde met la main à la pâte pour réparer le pont : on déboulonne les traverses restantes, on les espace davantage, on complète avec des bouts de traverses calcinées, on pose dessus nos "planchettes" ... Là je la fais courte, mais ça a duré plus de deux heures. Enfin, le pont nous semble apte à la circulation. De toutes façons, on n'a rien d'autre !

On palabre pour savoir qui passera en premier (entre l'envie et la peur, mon coeur balance ...). Comme notre chauffeur a trouvé la solution pour réparer, notre bus a la priorité. Prudent, Juan Carlos nous a demandé de sortir tous nos effets personnels du bus (surtout le passeport ...). Nous traversons à pied, d'un pas peu rassuré.

C'est au tour du bus, on croise les doigts et serre les fesses. Les planchettes bougent (un assistant les déplace au fur et à mesure de l'avancée pour les placer bien dans l'axe des roues), plient ... mais ne rompent pas ! le bus arrive à bon port. Soulagement et applaudissements pour le chauffeur ! Puis c'est au tour des autres véhicules, et nous voilà prêts à poursuivre l'aventure.

Le pont "réparé" ... il n'inspire pas trop confiance !  

​La piste est loin d'être un billard, et nous sommes bien secoués entre les ornières et les cailloux affleurants. Nous roulons dans la poussière rouge du bus d'italiens qui nous précède. Tout à coup, il s'arrête ... son porte à faux arrière repose sur le sol ! Les roues ne motricent plus. Il est vrai qu'il est plus chargé que nous, qui avons confié les bagages à un minibus complémentaire. Il faut donc sortir, creuser, pousser ... ça nous coûte une demie-heure d'efforts. Penses-tu que les italiens sont sortis de leur bus ? que nenni ! bande de flemmards ... Nous traversons quelques rares villages, des hameaux plutôt avec quelques maisons en adobe. Les enfants nous regardent avec de grands yeux et font des signes. Très peu de trafic sur la piste, mais c'est pile au milieu d'un village qu'on croise un camion ... ça bringueballe, ça frotte, mais ça passe.

La piste n'est pas sans danger, comme en témoigne ce bus local qui a plongé dans le fossé ... on n'aperçoit plus que le cul du bus. L'accident est récent, le chauffeur et quelques passagers sont assis sur la route, à côté de leur bus.

On s'arrête dans un village, pour acheter de l'eau et du pain. Les indiens s'agglutinent autour de nous, curieux. Ils nous décon-seillent la piste que nous envisagions de prendre, il y a des barages de pierres. Juan Carlos décide d'un plan B (en fait un plan C plutôt ...) et nous lance sur une piste "secondaire" ...

Les paysages sont de plus en plus beaux au fur et à mesure que la piste grimpe dans l'altiplano. Le plateau rythmé par les tons ocres des parcelles cultivées, piqué de lacs d'un bleu profond, les montagnes fauves et un ciel d'une pureté absolue. Magnifique !

Pour déjeuner nous pique-niquons au bord d'un lac. L'endroit est beau, d'une sérénité rare, on n'a même pas envie de parler. 

​On ne voit pas âme qui vive alentours pourtant il y des barques de pêcheurs, des nasses. En ce qui me concerne, cet arrêt est le bienvenu : j'ai un mal de tête terrible depuis ce matin malgré les cachets de toutes sortes déjà avalés. Peut-être une manifestation du "soroche", le mal des montagnes (nous sommes à plus de 3.500 mètres). En tous cas, les cahots de la piste ne l'arrangent pas ! ay ay ay la cabessa !

Nous repartons, et d'un coup, la piste commence à grimper sérieusement. Elle s'élève dans une succession de lacets à flanc de montagne (et de précipice de l'autre côté !) vers un col à 4.600 mètres. Juan Carlos semble tendu, car les moteurs souffrent à cette altitude par manque d'oxygène, et la pente est sévère par endroits. Mais bon, très vaillamment notre bus Volkswagen franchit l'obstacle. Juan Carlos sourit à nouveau, redevient volubile, l'ambiance redevient plus légère dans le bus.

Mais ... après deux lacets, on aperçoit un attroupement plus bas sur la piste ! On s'approche. Un bus local est en panne au milieu d'un virage, ses passagers sont assis au bord de la piste. Renseignement pris, il s'agit de l'arbre de transmission (le long machin qui fait passer la puissance du moteur à l'avant aux roues motrices à l'arrière) qui s'est désolidarisé. Evidemment le bus a perdu la goupille du cardan qui assemble les deux bouts, et l'arbre est tordu car il a trainé par terre ...

Là, on prend un grand coup de bambou derrière la tête !

​Même si le chauffeur du bus bleu s'y emploie, on ne voit pas bien comment il va réparer. Passer à côté, il n'y a pas la place. Quant à faire demi-tour, c'est juste impossible.

Les passagers indiens prennent les choses avec un grand calme : ça fait 36 heures qu'ils sont dans le bus (qui ressemble à une ménagerie : ils y mangent, fument, dorment ...)

On réfléchit quand même à un plan D : l'idée est de combler avec des pierres le fossé côté montagne et de stabiliser, également avec des pierres, le bord de la piste côté précipice. Puis il suffit de pousser le bus en panne côté montagne et de passer entre le bus et le précipice !

​Facile à dire, mais ça demande deux heures d'efforts ... et de palabres pour que le chauffeur du bus en panne accepte de le descendre des cales pour le déplacer. Comme ce matin, Juan Carlos nous demande de prendre toutes nos affaires dans le bus et de partir en avant à pied ... la confiance règne. Le soleil s'est caché derrière les cîmes et il fait très froid d'un coup. C'est de loin que nous observons notre chauffeur progresser centimètre par centimètre, au ras du précipice. C'est stressant ! Si une pierre lâche au passage d'une roue, il a droit au grand plongeon ... Mais notre chauffeur, c'est un bon, et comme ce matin, il réussit !!!

Il ne reste plus qu'à redescendre vers la route qui nous mènera à Puno. Après une dizaine de lacets, quelqu'un s'exclame : un regard en arrière permet de voir que le bus bleu roule ! Il a réussi apparemment à faire une réparation de fortune. Tiendra-t-elle ? C'est sûr que dans ces contrées reculées, pas la peine d'appeler Europe Assistance ... on est entièrement livré à soi-même.

Cette fois, le voyage se termine plus paisiblement et nous arrivons à l'hôtel à Puno un peu après 21 heures. Eh oui, un périple de 16 heures,  avec des moments difficiles voire angoissants, mais aussi la sensation d'avoir vécu une journée exceptionnelle et vu des endroits magnifiques auxquels la route normale ne donne pas accès. Nous la dédions à notre chauffeur, fantastique. 

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