Ile Maurice
( mars 2020)
L'aventure du sucre
Arrivés hier matin après un vol de nuit, nous nous sommes accordés un jour de repos et de retrouvailles avec la famille. Aujourd'hui, nous faisons notre première excursion sur l'île, et sur les conseils de Sophie et Lionel, nous allons tenter l'Aventure du Sucre.
Le temps est exécrable, il pleut vraiment à verse, mais pas de soucis : l'aventure se passe en intérieur.
Et il faut avouer que cette découverte de l'industrie sucrière, et au-delà de l'histoire de Maurice, a été un vrai moment de plaisir, très intéressant.
L'usine sucrière de l'Aventure du Sucre
Sophie s'est octroyé un jour de congés et nous accompagne tandis que Lionel s'occupe de Liam. En découvrant le ciel ce matin, on s'est dit "c'est ça, Maurice ? ". Ciel plombé, pluie en continu ... Sophie nous dit que ça arrive à Maurice en cette période, mais que ça ne va pas durer, même si l'île est en alerte cyclone. Bon, ça commence bien ...
Qu'à cela ne tienne, petit déjeuner puis on se case dans la petite March (en fait une Nissan Micra), et on part direction Pamplemousses, le chef-lieu du district nord-ouest, pas très loin de Peyrebère où nous séjournons, tout au nord de l'ïle. Sophie conduit (ce qui m'arrange, car conduite à droite ...) et c'est sous la pluie battante que nous arrivons à l'Aventure du Sucre.. On a beau piquer un sprint du parking à la caisse, on a déjà les pieds trempés. On prend les billets (plus chers pour les touristes que pour les résidents ...), on se munit d'un audio-guide et c'est parti.
Découverte de l'histoire de Maurice
L'aventure du sucre est à la base une ancienne sucrerie, le domaine du Beau Plan, transformée en musée dédié au sucre, l'industrie emblématique de Maurice. Mais le site propose bien d'autres expériences ...
La visite commence par un parcours racontant l'histoire de Maurice : la période hollandaise, la période française où l'Isle de France était sous protection royale, la période britannique marquée par l'avènement de l'industrie sucrière mais aussi l'abolition de l'esclavage, et enfin l'indépendance en 1968. De nombreuses gravures et photos, des objets, des films, des maquettes ... illustrent les explications affichées et bien complétées par l'audio-guide. L'expo fait la part belle aussi à la vie sur Maurice du temps des industriels du sucre et des esclaves puis des engagés. Et met en évidence le côté multi-culturel de l'île et la cohabitation des différentes religions.
Une manière très pédagogique et ludique pour acquérir en une heure une excellente vue de synthèse de l'histoire de Maurice.
Arrivée au musée (1/10) | Vestige de machinerie de la sucrerie (2/10) | Un bateau pour charger les sacs de sucre trône dans l'entrée du musée (3/10) |
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Le mode de vie des industriels du sucre (4/10) | Un des nombreux documents présentés, ici l'acte de vente d'un terrain (5/10) | Un sucrier visite ses plantations (6/10) |
Demeure d'un sucrier (7/10) | Transport des cannes à sucre en charrette vers la sucrerie (8/10) | Pesage de la cargaison à l'arrivée à la sucrerie (9/10) |
La canne à sucre a bien mérité de figurer sur les timbres-poste de Maurice (10/10) |
L'aventure du sucre
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L'usine de fabrication du sucre
Une chaudière (1/17) | Le conducteur de canne (2/17) | Les énormes roues crantées qui entraînent le moulin sur le conducteur de canne (3/17) |
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Mécanisme d'entraînement sur le conducteur de canne (4/17) | Les cylindres du moulin qui broient la canne (5/17) | le conducteur de canne, vu de l'autre côté (7/17) |
La bagasse, résidu fibreux de la canne après broyage (8/17) | Chaîne à bagasse en sortie du conducteur de canne (9/17) | |
L'incroyable imbroglio de tuyaux (11/17) | et les codes couleurs qui montre ce qui y circule (12/17) | |
Les évaporateurs pour la clarification (13/17) | Détail d'un évaporateur (14/17) | Appareil à cuire pour obtenir la cristallisation du sucre (15/17) |
Appareil à cuire (16/17) | Les "lanternes" où on expérimente es mariages pour obtenir de nouvelles espèces de canne à sucre (17/17) |
Nous arrivons maintenant dans la sucrerie proprement dite, où toutes les installations ont été laissées en place. L'usine était en activité jusque dans les années 70. Le circuit parcourt l'usine en respectant l'ordre chronologique dans la processus de fabrication. En voyant toute cette machinerie et les nombreuses étapes de production, on se dit que faire du sucre à partir de la canne à sucre est tout sauf simple, et que sa mise au point a dû passer par de nombreux tâtonnements avant d'arriver à une production performante. Les (nombreux) panneaux explicatifs montrent souvent des gravures de machines anciennes, ce qui permet de voir le chemin parcouru ...
Les nombreux panneaux explicatifs, sous réserver de prendre le temps de les lire, permettent de bien comprendre le processus de fabrication et le rôle des différentes machines. La première qu'on voit, la plus grande, est le "conducteur de canne", où les cannes à sucre sont broyées pour extraire le jus. Les moulins, de grands cylindres striés qui broient la canne, sont impressionnants. On déambule dans des rangées de grandes cuves, de hauts cylindres, de fours ... Ce qui étonne aussi, c'est le nombre de gros tuyaux multicolores qui serpentent à travers ces installations. En fait chacun a bien sûr sa fonction, et des codes couleurs permettent immédiatement de savoir ce qui y circule ...
Personnellement, j'ai trouvé cette mise en scène très intéressante ... si tu as deux minutes, prends le temps de parcourir en bas de page une petite synthèse expliquant la fabrication du sucre et le rôle des différentes installations.
L'aventure du sucre
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Au sortir des installations industrielles, il reste encore des endroits à visiter, avec trois salles dédiées à des expos temporaires ou des sujets concernant la nature, le climat, la faune ... Une maquette m'a frappé : l'évolution de la couverture de l'île par la canne à sucre au fil des ans ... on a l'impression que plus de 80% de Maurice en est recouvert. Bon ça fait près de 3 heures qu'on tourne dans le musée, on commence à fatiguer et à accorder moins d'attention aux explications.
Ensuite ... c'est pas fini : dégustation de sucre et de rhum. Pour le sucre, on nous fait goûter (un peu vite à mon goût) dix sucres, au final assez différents l'un de l'autre, et parfois très différents de ce qu'on connaît : roux, muscovado, demarara ... juste à côté, on peut aussi goûter des rhums locaux (ce que je n'ai pas fait ayant déjà ingurgité ma dose de sucre pour la journée ...). Et n'oublions pas la boutique où on peut acheter les différents sucres et rhums ... et bien sûr d'autres souvenirs.
Il est 13 heures, la faim commence à nous tirailler. On va déjeuner au Fangourin, le resto du musée. Plutôt sympa et bon, on a goûté la cuisine mauricienne, même si on est sous la véranda et que la pluie tombe plus fort encore que ce matin ...
Un musée intéressant, vraiment bien fait, qui te révèle l'âme de Maurice. A souligner aussi l'attention particulière portée aux enfants avec des outils pédagogiques bien adaptés.
Pour en savoir un peu plus sur l'industrie sucrière
Le cycle de vie de la canne à sucre
A Maurice, il y a 3 périodes de plantation :
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Janvier – mars : canne de grande saison, coupée à 17 – 20 mois
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Avril – mai : canne de moyenne saison, coupée à 14 – 16 mois
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Juillet – août : canne de petite saison, coupée à 13 – 14 mois
C’est la partie inférieure de la canne qui contient le plus de sucre, c’est pourquoi on la coupe au ras du sol. Sur le rhizome, sous terre, se trouvent les œilletons qui vont donner les nouvelles pousses. On compte en général 7 repousses.
Pour obtenir de nouvelles variétés de cannes, on fait des mariages de cannes. On utilise pour cela des « lanternes », sortes de chambres nuptiales isolant le géniteur mâle de la femelle. Les généticiens jouent très finement sur l’hygrométrie et la température pour créer de nouvelles variétés.
Les étapes de la fabrication du sucre
1. la récolte
Récoltée de juin à septembre à Maurice, la canne à sucre est acheminée vers les sucreries de l’île
2. le broyage
Arrosées à l’eau chaude, les cannes sont d’abord pressées dans les moulins, des assemblages de trois énormes cylindres rainurés, pour en extraire le jus d’une part, et la bagasse d’autre part. On obtient ainsi jusqu’à 70% du poids en jus
3. La clarification
On nettoie le jus en ajoutant de la chaux issue des pierres calcaires puis en chauffant. Les substances non sucrées sont alors séparées du jus pour se déposer au fond du décanteur où elles forment des écumes
4. L’évaporation
Le jus clarifié est chauffé dans de grands évaporateurs où 80% du poids se transforme en vapeur. On obtient ainsi un sirop
5. la cuisson
Ce sirop est chauffé dans des appareils à cuire, où on lui ajoute des cristaux de sucre pour débuter la cristallisation. Cette cuisson donne alors la masse-cuite, composée de fin cristaux de sucre et d’un épais sirop
6. la cristallisation
La cristallisation se poursuit dans de grands malaxeurs où la masse-cuite se refroidit progressivement. Le cristal grossit en absorbant une partie du sirop
7. l’essorage / le séchage
La masse-cuite est essorée dans une grande centrifugeuse, comme le linge dans une machine à laver. Les cristaux restent dans le panier et le sirop, la mélasse, est évacué par les trous. Les cristaux sont ensuite séchés pour donner le produit fini.
8. l’exportation
Le sucre est transporté dans les conteneurs, de grandes boîtes de 6 mètres de long, pour être embarqué dans les navires qui vont irriguer le monde entier de sucre de Maurice
L'arrivée de la canne à sucre dans la sucrerie
Mode de transport
Au début, la canne à sucre voyageait dans des charrettes tirées par des zébus. Puis les planteurs se sont équipés de chemins de fer qui amenaient la canne par wagons entiers. Aujourd'hui, ce sont les camions et tracteurs …
Pesage et échantillonnage
Tout arrivage commence par être pesé. Du temps des charrettes, cela se passait avec un grand sérieux dans un bâtiment vitré pour éviter la triche. Car la tentation était forte de laisser traîner des pierres ou des bouts de métal dans la charrette pour faire du poids… Un prélèvement par échantillonnage est fait pour déterminer le taux de saccharose et permettre au « control board » d'estimer la part de sucre revenant au fournisseur
Réception
Sur l’aire de réception se trouve le derrick, une grue, et le pont-roulant. Pendant la roulaison, une chaîne latérale alimente le conducteur de canne
Le conducteur de canne
Cette machine se situe en tout début du processus de traitement de la canne à sucre, et a pour but d'en extraire le maximum de jus.
Souvent appelé « chaîne principale », le conducteur de canne est un tapis roulant sur lequel la canne est introduite à l’usine pour alimenter les moulins. Une table d’alimentation où sont déposées les cannes permet de réguler le flux. Des chaînes mobiles font monter les cannes pour les faire chuter sur une table de résonance, ce qui permet d’entendre la présence de corps étrangers (cailloux, pièces métalliques …)
La canne à sucre s'avance ensuite sur le conducteur de canne, pour passer par les coupe-cannes, qui vont débiter la canne en petits morceaux. Il s’agit d’une machine composée d’un axe tournant à 600 tours / mn sur lequel sont fixés des porte-lames munis de couteaux qui coupent la canne sans perte de jus.
Puis la canne à sucre est poussée vers le shredder. Faisant aussi partie aussi du conducteur de canne, celui-ci vient déchiqueter l'enveloppe extérieure de la canne pour finir de la préparer à être traitée par les moulins.
Enfin, la canne à sucre passe par plusieurs moulins successifs, composés chacun de trois rouleaux horizontaux équipés de striures permettant d'extraire le jus.
Pour finir, le jus sortant du moulin est pesé après avoir été tamisé. La pesée est imposée par la loi pour payer la fourniture de cannes. Elle sert aussi pour le contrôle chimique de l’usine et analyser sa performance.
La clarification du jus
Pour clarifier le jus, on utilise le procédé de « défécation » (sic) : on le traite à la chaux, on porte le jus à ébullition, puis on le décante.
Après le chaulage au lait de chaux, le jus est pompé par un jeu de tuyaux dans quatre réchauffeurs successifs en inox et cuivre. Après le 4ème réchauffeur, le jus est d’abord désaéré dans un flash tank avant de passer dans le clarificateur. Le flash-tank est un bac circulaire fermé avec une cheminée ouverte sur l’atmosphère.
Le jus sortant du réchauffeur arrive dans le bac à 103°, se refroidit en-dessous de 100° pour tomber sans bouillonnement dans le clarificateur, en fait un décanteur où les boues se séparent du jus. Les boues sont elles filtrées dans un filtre rotatif, le drum, qui sépare le jus, qui va rejoindre le jus clarifié, et l’écume riche en phosphate qui va servir dans les champs
Les appareils à cuire
Les appareils à cuire sont des chaudières fonctionnant sous vide où le sirop continue à être concentré. Pour déclencher la cristallisation, on amène des grains de sucre très petit : c’est l’ « ensemencement ». Le cristal de sucre grossit, les molécules de sucre en suspension (d’où le vide …) viennent s’y agglutiner.
Ce mélange de cristaux et de liqueur mère, la masse cuite, circule en permanence dans des tubes, comme un chauffage central. En continuant d’ajouter du sirop alors que l’eau s’évapore, on favorise le grossissement des cristaux jusqu’à obtenir la taille souhaitée.
La masse-cuite passe alors dans une centrifugeuse qui va l'essorer et séparer le sirop du sucre cristallisé, ce dernier faisant ensuite l'objet d'un séchage avant de devenir le produit fini. Le sirop quant à lui, appelé mélasse, va servir à la fabrication des rhums.
Je te la fais simple, car en réalité, c'est un peu plus compliqué que cela : les cristaux et le sirop passent sont recyclés plus d'une fois dans le circuit pour en tirer la quintessence.
La production de vapeur
La bagasse, le résidu fibreux des cannes, est brûlée dans les fourneaux des chaudières, produisant ainsi de la vapeur pour les besoins énergétiques de la sucrerie. La vapeur à haute pression fait tourner des alternateurs produisant l’électricité, mais alimenta aussi les turbines faisant tourner les moulins, coupe-canne et shredder.
Et la vapeur s’échappant de ces turbines sert à faire bouillir le jus dans les réchauffeurs, évaporer le jus dans les évaporateurs et cuire le sucre dans les appareils à cuire … rien ne se perd !
Au-delà de la vapeur, la bagasse produit aussi du courant pour le réseau de l’île, des panneaux de particules pour fabriquer des meubles et même du compost.